Comment la fiscalité diffère-t-elle entre une entreprise individuelle (EI) et une société ?

La fiscalité joue un rôle clé dans la gestion et la rentabilité d'une entreprise. Que vous soyez entrepreneur individuel ou à la tête d'une société, comprendre les nuances fiscales entre ces deux formes juridiques est essentiel pour optimiser votre situation. Les différences de traitement fiscal entre une entreprise individuelle (EI) et une société peuvent avoir un impact significatif sur vos revenus, vos charges et votre patrimoine. Explorons ensemble les principaux aspects qui distinguent la fiscalité des EI et des sociétés en France, afin de vous aider à prendre les meilleures décisions pour votre activité.

Régimes fiscaux applicables aux EI et sociétés en france

En France, les entreprises individuelles et les sociétés sont soumises à des régimes fiscaux distincts. Pour une EI, le régime fiscal de base est l'impôt sur le revenu (IR), tandis que les sociétés sont généralement assujetties à l'impôt sur les sociétés (IS). Cette différence fondamentale a des répercussions importantes sur la façon dont les bénéfices sont taxés et sur les obligations déclaratives de l'entreprise.

Les entreprises individuelles peuvent opter pour différents régimes selon leur chiffre d'affaires et la nature de leur activité. Le régime de la micro-entreprise, par exemple, offre une simplicité administrative appréciable pour les petites structures. Les sociétés, quant à elles, sont soumises à des règles comptables plus strictes et à une fiscalité généralement plus complexe.

Il est important de noter que certaines formes d'EI, comme l'EIRL (Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée), peuvent opter pour l'IS, se rapprochant ainsi du régime fiscal des sociétés. Cette flexibilité permet aux entrepreneurs de choisir le cadre fiscal le plus avantageux en fonction de leur situation.

Imposition des revenus : IR vs IS

L'une des différences majeures entre une EI et une société réside dans la manière dont les revenus sont imposés. Cette distinction a des implications significatives sur la charge fiscale globale et la gestion financière de l'entreprise.

Barème progressif de l'IR pour l'EI

Dans une entreprise individuelle, les bénéfices sont directement intégrés aux revenus personnels de l'entrepreneur. Ils sont donc soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, qui comporte plusieurs tranches d'imposition. Ce système peut être avantageux pour les petites structures générant des revenus modestes, car les premières tranches bénéficient de taux d'imposition relativement bas.

Cependant, à mesure que les revenus augmentent, le taux marginal d'imposition peut grimper jusqu'à 45%, sans compter les prélèvements sociaux. Cette progressivité peut devenir pénalisante pour les EI réalisant des bénéfices importants.

Taux fixe de l'IS pour les sociétés

Les sociétés, en revanche, sont assujetties à l'impôt sur les sociétés, caractérisé par un taux fixe. Actuellement, ce taux est de 25% pour la plupart des sociétés, avec un taux réduit de 15% sur les premiers 38 120 € de bénéfices pour les PME éligibles. Cette stabilité du taux peut faciliter la planification fiscale et s'avérer avantageuse pour les entreprises générant des profits conséquents.

De plus, les dirigeants de sociétés peuvent optimiser leur rémunération en combinant salaires et dividendes, chacun bénéficiant d'un traitement fiscal spécifique. Cette flexibilité n'existe pas dans le cadre d'une EI classique.

Option IS pour l'EIRL et impact fiscal

L'EIRL offre une particularité intéressante : la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés. Cette option permet de bénéficier des avantages fiscaux propres aux sociétés tout en conservant la simplicité de gestion d'une entreprise individuelle. Lorsqu'on envisage de créer une EI, il est primordial d'évaluer cette option et son impact potentiel sur la fiscalité de l'entreprise.

L'option pour l'IS dans le cadre d'une EIRL peut s'avérer particulièrement avantageuse pour les entrepreneurs réalisant des bénéfices élevés ou souhaitant réinvestir une partie importante de leurs profits dans l'entreprise. Elle permet également une meilleure séparation entre le patrimoine personnel et professionnel.

Mécanisme du prélèvement à la source

Le prélèvement à la source, introduit en France en 2019, a modifié la manière dont l'impôt sur le revenu est collecté, tant pour les salariés que pour les indépendants. Pour les EI, ce système implique le versement d'acomptes mensuels ou trimestriels basés sur les revenus de l'année précédente.

Les sociétés, n'étant pas directement concernées par l'IR, ne sont pas affectées de la même manière par le prélèvement à la source. Cependant, les dirigeants salariés de leur propre société voient leur impôt prélevé directement sur leur rémunération, comme tout autre salarié.

TVA et différences de traitement EI/société

La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) est un élément central de la fiscalité des entreprises en France. Bien que les règles générales de la TVA s'appliquent de manière similaire aux EI et aux sociétés, certaines différences de traitement existent, notamment en termes de seuils et de régimes applicables.

Seuils de franchise en base de TVA

La franchise en base de TVA est un dispositif qui permet aux petites entreprises de ne pas facturer la TVA à leurs clients et de ne pas la récupérer sur leurs achats. Les seuils de cette franchise diffèrent selon la nature de l'activité :

  • Pour les prestations de services : 34 400 € de chiffre d'affaires annuel
  • Pour les activités de vente de marchandises : 85 800 € de chiffre d'affaires annuel
  • Pour les activités mixtes : des seuils intermédiaires s'appliquent

Ces seuils s'appliquent aussi bien aux EI qu'aux sociétés. Cependant, les EI, et en particulier les micro-entrepreneurs, sont plus susceptibles de bénéficier de cette franchise en raison de leur taille généralement plus modeste.

Régimes réels simplifié et normal

Au-delà des seuils de franchise, les entreprises entrent dans le régime réel de TVA, qui peut être simplifié ou normal. Le régime réel simplifié s'applique aux entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre les seuils de la franchise et 789 000 € pour les activités de vente, ou 238 000 € pour les prestations de services.

Le régime réel normal, obligatoire au-delà de ces seuils, implique des déclarations de TVA mensuelles et une gestion plus rigoureuse. Les sociétés, en raison de leur structure et de leur chiffre d'affaires souvent plus élevé, sont plus fréquemment soumises au régime réel normal que les EI.

Spécificités de la TVA pour les micro-entrepreneurs

Les micro-entrepreneurs bénéficient d'un régime particulier en matière de TVA. Tant qu'ils ne dépassent pas les seuils de la franchise en base, ils sont dispensés de facturer la TVA. Cette simplification est un avantage significatif pour les petites structures, mais peut devenir un inconvénient si l'entreprise travaille principalement avec des clients assujettis à la TVA qui ne peuvent pas la récupérer.

Il est important de noter que le passage du régime de la micro-entreprise à un régime réel de TVA peut avoir des implications comptables et administratives importantes. Les entrepreneurs doivent anticiper ce changement et s'y préparer adéquatement.

Charges sociales et protection sociale du dirigeant

La protection sociale et les charges qui y sont associées constituent un aspect important de la différence fiscale entre EI et société. Le statut du dirigeant et le mode de calcul des cotisations sociales varient significativement selon la forme juridique choisie.

Calcul des cotisations pour l'EI : régime réel vs micro

Dans une entreprise individuelle, l'entrepreneur est considéré comme un travailleur non salarié (TNS). Ses cotisations sociales sont calculées sur la base du bénéfice réalisé. Pour les EI au régime réel, les cotisations sont calculées sur le bénéfice net, après déduction des charges professionnelles.

Les micro-entrepreneurs bénéficient d'un système simplifié où les charges sociales sont calculées sous forme d'un pourcentage du chiffre d'affaires. Ce système, bien que simple, peut s'avérer moins avantageux en termes de protection sociale, notamment pour la retraite.

Le choix entre le régime réel et le régime micro a des implications importantes non seulement sur la fiscalité, mais aussi sur le niveau de protection sociale de l'entrepreneur.

Statut social du dirigeant de société : TNS ou assimilé salarié

Dans une société, le statut social du dirigeant dépend de la forme juridique choisie. Par exemple :

  • Le gérant majoritaire de SARL est considéré comme un TNS
  • Le président de SAS ou le directeur général de SA est assimilé salarié
  • Le gérant minoritaire de SARL est également assimilé salarié

Ces différences de statut ont des implications importantes sur le calcul des cotisations sociales et sur les droits qui en découlent. Les assimilés salariés, par exemple, bénéficient de l'assurance chômage, ce qui n'est pas le cas des TNS.

Couverture maladie, retraite et prévoyance

La couverture sociale diffère entre les EI et les dirigeants de sociétés. Les entrepreneurs individuels relèvent du régime général de la Sécurité sociale des indépendants pour leur assurance maladie et leur retraite de base. Les dirigeants de sociétés, selon leur statut, peuvent relever soit du régime général des salariés, soit du régime des indépendants.

En matière de prévoyance et de retraite complémentaire, les options disponibles et les niveaux de couverture peuvent varier significativement. Les dirigeants de sociétés ont souvent plus de flexibilité pour mettre en place des contrats de prévoyance et d'épargne retraite avantageux fiscalement.

Fiscalité du patrimoine et transmission d'entreprise

La fiscalité du patrimoine et les modalités de transmission de l'entreprise sont des aspects importants à considérer dans le choix entre EI et société. Ces éléments peuvent avoir un impact significatif sur la valorisation de l'entreprise et sur la stratégie patrimoniale de l'entrepreneur.

IFI et traitement des biens professionnels

L'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) concerne les contribuables dont le patrimoine immobilier net taxable est supérieur à 1,3 million d'euros. Le traitement des biens professionnels dans le cadre de l'IFI diffère entre les EI et les sociétés :

Pour une EI, les biens immobiliers affectés à l'activité professionnelle sont exonérés d'IFI. Dans le cas d'une société, l'exonération des parts ou actions au titre des biens professionnels est soumise à des conditions plus strictes, notamment en termes de détention du capital et d'exercice d'une fonction de direction.

Plus-values de cession : abattements et exonérations

La fiscalité des plus-values lors de la cession de l'entreprise varie considérablement entre une EI et une société. Pour une EI, des régimes d'exonération spécifiques existent, comme l'exonération totale des plus-values en cas de cession d'une entreprise dont la valeur n'excède pas 300 000 €.

Pour les sociétés, la cession des parts ou actions bénéficie d'un régime d'abattement pour durée de détention, pouvant aller jusqu'à 85% pour les dirigeants partant à la retraite. Ces différences peuvent influencer significativement le choix de la structure juridique, notamment dans une perspective de cession à moyen ou long terme.

Pacte dutreil et optimisation de la transmission

Le Pacte Dutreil est un dispositif fiscal permettant de réduire les droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission d'une entreprise. Bien que ce dispositif soit principalement utilisé pour les sociétés, il peut également s'appliquer aux entreprises individuelles sous certaines conditions.

Le Pacte Dutreil peut permettre une exonération partielle de droits de mutation à hauteur de 75% de la valeur des titres ou de l'entreprise transmise, sous réserve d'engagements de conservation et de direction.

L'utilisation de ce dispositif nécessite une planification minutieuse et peut influencer le choix entre EI et société, notamment dans une optique de transmission familiale de l'entreprise.

Crédits d'impôt et incitations fiscales

Les crédits d'impôt et les incitations fiscales sont des leviers importants pour stimuler l'innovation et le développement des entreprises. Leur application peut différer entre les EI et les sociétés, influençant ainsi les stratégies d'investissement et de croissance.

CIR et CII : modalités d'application EI vs société

Le Crédit d'Impôt Recherche (CIR) et le Crédit d'Impôt Innovation (CII) sont des dispositifs puissants pour encourager la R&D et l'innovation. Bien que ces crédits d'impôt soient accessibles tant aux EI qu'aux sociétés, leurs modalités d'application peuvent varier :

  • Pour les EI, le CIR et le CII s'imputent sur l'impôt sur le revenu, tandis que pour les sociétés, ils s'imputent sur l'impôt sur les sociétés
  • Les EI au régime micro-fiscal ne peuvent pas bénéficier du CIR ou du CII
  • Les sociétés peuvent reporter le crédit d'impôt non utilisé sur les trois exercices suivants, puis se faire rembourser le solde, ce qui n'est pas possible pour les EI

Ces différences peuvent influencer la stratégie d'innovation et de R&D des entreprises, notamment pour les startups et les entreprises technologiques.

Dispositifs JEI et JEU pour les startups

Les dispositifs Jeune Entreprise Innovante (JEI) et Jeune Entreprise Universitaire (JEU) offrent des avantages fiscaux et sociaux significatifs aux entreprises nouvellement créées qui investissent dans la R&D. Ces statuts sont accessibles tant aux EI qu'aux sociétés, mais leur application peut varier :

  • Les EI peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur le revenu, tandis que les sociétés bénéficient d'une exonération d'impôt sur les sociétés
  • Les exonérations de charges sociales sont similaires pour les EI et les sociétés, mais peuvent être plus faciles à mettre en œuvre dans le cadre d'une société
  • La durée des avantages (jusqu'à 8 ans) peut influencer le choix entre EI et société pour les entrepreneurs innovants

Ces dispositifs peuvent être particulièrement attractifs pour les startups, influençant potentiellement le choix de la structure juridique dès la création de l'entreprise.

Zones franches urbaines et aides fiscales territoriales

Les aides fiscales liées à l'implantation géographique, telles que les Zones Franches Urbaines (ZFU) ou les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR), s'appliquent aussi bien aux EI qu'aux sociétés. Cependant, leur mise en œuvre peut différer :

Pour les EI, les exonérations s'appliquent directement sur le bénéfice imposable à l'IR. Pour les sociétés, elles s'appliquent sur le bénéfice soumis à l'IS. Cette différence peut avoir un impact sur l'efficacité relative de ces dispositifs selon la structure choisie.

De plus, certaines aides territoriales peuvent être plus facilement accessibles ou plus avantageuses pour les sociétés, notamment en raison de leur capacité à créer plus d'emplois ou à réaliser des investissements plus importants.

Le choix entre EI et société peut influencer l'éligibilité et les bénéfices tirés des aides fiscales territoriales, un élément à considérer lors de l'implantation ou du développement de l'entreprise.

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